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    mardi 11 août 2009

    Dernières impressions de la saison 2008-2009 (3/3) - La joie

    La joie


    Retour au jeu et à la gaieté juste avant l'été sous les bons augures de la Comédie française de Denis Podalydès qui illumine non pas un mais deux textes italiens : La grande magie, d'Eduardo de Filippo, fable bouffonne et tragique sur la perte des illusions et Il Campiello, de Goldoni, ou le chassé croisé des habitants d'une place de Venise bouleversé par l'arrivée d'un étranger (en l'occurrence un riche Napolitain interprété par M. Podalydès). D'un côté le décor d'un casino- dancing de station balnéaire, de l'autre des hautes maisons serrées les unes contre les autres, panoptique joyeux d'une société qui s'épie, s'interpelle, s'aime et se déteste d'une fenêtre à l'autre, 200 ans d'écart mais les mêmes ressorts : le commérage structurant le lien social, la jalousie et le désir de possession de l'amour, les faux-semblants et les illusions perdues qui rendent fou (la grande magie) ou qui jettent une ombre menaçante sur le futur des personnages (il campiello). Deux spectacles presque parfaits, servis par des comédiens au top. Comme a dit mon voisin à la fin de la grande magie, "le type en pyjamas, je sais pas qui c'était mais il est phénoménal".



    Dernières impressions de la saison 2008-2009 (2/3) - Le crépuscule

    Le crépuscule

    A côté de ces anecdotes vite consommées vite oubliées (voir post précédent), la fin de saison a été l'occasion d'assister à quelques beaux crépuscules. Au Minetti de Thomas Bernhard, qui a mis le Tout-Paris en émoi (venu contempler au théâtre de la colline la flamme bien pâle de Michel Piccoli dont les chevrotements rendaient ce texte répétitif presque inaudible), on a préféré sur les mêmes planches la dernière mise en scène d'Alain Françon, La Cerisaie d'Anton Tchekhov, baignée dans la douce et mélancolique lumière de fin du jour. On y a croisé pour la toute dernière fois Jean-Paul Roussillon interprétant un Firs fier et touchant ; à ceux qui se souviennent de ses yeux très bleus dans son corps tout rond, je conseille de faire un tour sur le site de la comédie française en ce moment ; on y croise M. Roussillon dans l'exotique éclat de sa jeunesse. Et puis, le cinéma, qui nous permettra encore d'entendre sa voix (dans le Mischka de Jean-François Stévenin ou le Conte de Noël d'Arnaud Desplechin par exemple). Enfin, L'Amante anglaise au théâtre de la madeleine présentait une héroïne durassienne incarnée avec finesse par Ludmila Mikaël, neurasthénique, perdue, passionnée, martyre et bourreau (Claire Lannes, qui tua sa cousine avant de démembrer son corps sans jamais parvenir à expliquer réellement son geste). Sur une scène dépouillée, sombre, l'histoire de la fin d'une vie et de la fin de la raison.


    Dernières impressions sur la saison 2008-2009 (1/3) - la violence

    Fin de saison mouvementée et émouvante que je n'ai pas pu commenté au jour le jour ; pas par manque de temps mais plutôt d'envie et d'inspiration suscitée par le dernier spectacle d'Emma Dante au théâtre du Rond-Point.

    La violence

    Le Pulle, c'est à dire les prostituées de Palerme, ville natale, lieu de travail et principale inspiration de l'auteure et metteure en scène ; des prostituées transgenres, désirées, convoitées, haïes, battues, violées par les habitants violents et contradictoires d'une cité déchue. C'était un spectacle punk, une performance, une provocation, orchestrée presque au fouet par une Emma Dante commentant l'action, chantant, abattant le décor (littéralement) au péril de ses acteurs ; des acteurs grimés, des hommes pourvus de perruques et de faux seins, des femmes dotées d'énormes godemichés, des poupées gonflables pour tous! Mais des acteurs qui ne jouent pas vraiment, qui se font vomir sur scène (littéralement aussi)... Points de suspension dans la salle, faut-il partir ou rester? Faut-il regarder la souffrance physique comme un spectacle, un combat de gladiateurs contemporain, l'exposition d'entrailles humaines comme remède à la curiosité morbide de citadins blasés en quête de sensations toujours plus fortes? Autant de questions auxquelles je ne sais pas répondre sans recourir aux outils trop simples de la morale et du bon goût.

    J'en retiens néanmoins une sensation amère, celle de ne pas pouvoir aimer pleinement quelque chose à laquelle on voudrait adhérer (l'audace, l'engagement physique), parce que les voies empruntées par cet anti-conformisme semblent aujourd'hui prévisibles, banales et presque complètement appropriées par la culture dominante, voire la culture d'Etat. Etrange sensation que d'entendre les professeurs de français qui avaient eu l'idée saugrenue d'amener leur classe de 4ème à ce spectacle enjoindre leurs élèves agités et interpellés par la pièce de se taire, de ne pas rire, de pas crier et de rester assis! Voilà le dressage des futurs spectacteurs (de théâtre, de télévision, de leur vie?) à qui l'on inculque la foi dans l'existence d'une barrière symbolique : aux artistes officiels le métier de la critique et de la provocation, soupape nécessaire à la préservation de l'ordre social, aux autres la soumission quotidienne et la catharsis ponctuelle à opérer dans un silence religieux!

    Le Pulle a pourtant le mérite paradoxal d'une cohérence totale dans son esthétique et son propos, un refus de la provoc' tiède et polie que l'on a malheureusement retrouvée plus tôt dans l'année chez Jean La Chance, pièce de jeunesse de Brecht montée au théâtre de la Bastille par des membres de Berurier noir. Casting mode (Clotilde Hesme, avec du talent mais non sans maladresse - voir la partie "accent campagnard", très ratée), chansonnettes punk hurlées/dansées et quelques codes brechtiens de rigueur (plateau visible, comédiens qui se changent au fond de la scène, interpellations du public) pour une adaptation un tantinet superficielle de la pièce. Même problème de positionnement pour la dernière création du chorégraphe Wim Vandekeybus au théâtre de la Ville (Nieuwzwart) : ambiance glauque, orchestre rock mi-psyché mi-bourrin, des danseurs qui se tortillent tous nus après avoir été découverts sous une immense couverture de survie dorée, qui se cognent contre les murs, bref une sorte de Rocky horror picture show qui se prendrait bien trop au sérieux.