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    vendredi 23 octobre 2009

    Quatre pièces de Feydeau

    Sous les voûtes de bois intimes et chaudes du Vieux-Colombier, Gian Manuel Rau met en scène quatre pièces courtes de Feydeau - Amour et piano, Un Monsieur qui n'aime pas les monologues, Fiancés en herbe et Feu la mère de Madame - s'enchaînant avec fluidité dans une atmosphère de catastrophe mondaine très amusante. Dans la première pièce, un faux maestro, cherchant une maîtresse tarifée, se présente chez une jeune fille attendant son professeur de piano, qu'il croit être une actrice en vue (mauvaise adresse) ; dans la seconde, un monologuiste intarissable réprouve véhémentement la pratique du soliloque ; dans la troisième, deux jeunes enfants, ennuyés des fables qu'on leur a donné à apprendre par coeur, décident de se marier ; dans la dernière, un couple trop marié voit sa nuit bouleversée par l'annonce de la mort de la mère de Madame...



    De ces trames de quiproquos si précises, si ajustées, Rau révèle la mécanique intrinsèque (troubler l'ordre/rétablir l'ordre) dans un joyeux bordel visuel, plein de couleurs et de gadgets un peu bouffons (le faux-cul gonflable de la jeune fille, la perruque en salade verte du mari noceur) mais pas vains. On ne peut pas en dire autant des intermèdes musicaux qui n'ont pas d'autre mérite que de révéler le talent de Léonie Simaga, qui fait décidément tout très bien ; la chansonnette de Laurent Stocker et d'Anne Kessler (excellents par ailleurs de bout en bout) hurlée dans un micro avec des masques de lapins méchants sur des beats très rock industriel dénote l'influence germanique de l'auteur et sonne très cliché (cf. Jean La Chance au théâtre de la Bastille la saison dernière, quasiment la même chose). Cette légère faute de goût, aimable presque comme le défaut d'un être aimé, ne gâche en rien le plaisir que l'on prend devant un spectacle si intelligent et des acteurs si brillants (citons aussi Christian Hecq, qui introduit des personnages à la Elie Semoun - cheveux gras, triple foyer - sur la scène du Français).


    Quatre pièces de Feydeau - Mise en scène : Gian Manuel Rau - Comédie-française, Vieux Colombier, jusqu'au 25 octobre 2009.


    Toussométrie : faible (1/5).

    vendredi 16 octobre 2009

    Trisha Brown Dance Company

    La compagnie de danse de Trisha Brown (TBDC pour les intimes) présentait la semaine dernière trois pièces permettant de parcourir à très grands pas l'oeuvre de la chorégraphe américaine, une des figures de la danse post-moderne américaine : Set and Reset (1983), You can see us (1995) et L'Amour au théâtre (2009) et à en explorer les "ruptures".

    Dans Set and Reset, l'avant-garde new-yorkaise des années 1980 nous est ressucitée : musique encore frappante de Laurie Anderson qui hybride boucles sonores synthétiques, percussions organiques et impressions de pop mélodique, scénographie de Robert Rauschenberg, celle-là peut-être un peu vieillie (étrange objet volant diffusant de façon peut-être aléatoire des bribes d'images d'actualité en noir et blanc), et l'art fluide et géométrique de Trisha Brown exposé dans le livret : "Set and Reset est basé sur une danse rectangulaire. Je la pense comme un système de livraison de petites unités de danse -duos et trios - qui sont délivrées au centre de la scène." Set and Reset est une oeuvre doublement parfaite : parfaite de beauté et de pureté et parfaite d'adhésion à son temps, de symbiose exacte entre la créatrice et une époque aujourd'hui révolue (d'où légère mélancolie à la vision).

    Les deux pièces suivantes semblent au contraire décrire le processus de décollement, de lente rupture de Trisha Brown avec son époque. La chorégraphe tourne progressivement le dos (littéralement, dans le solo If you couldn't see me, transformé en duo dans You can see us, elle dansait dos au public) à la contemporanéité, jusqu'à utiliser un opéra de Rameau pour sa dernière oeuvre (T. Brown a souvent travaillé à la mise en scène d'opéras) ; mais gagne-t-on réellement en éternité ce que l'on perd d'expression de son temps? Une oeuvre n'est-elle jamais si forte dans la durée qu'autant qu'elle fait résonner en elle les inquiétudes et les désirs de son présent?
    Set and Reset/You can see us/L'Amour au théâtre, de Trisha Brown - Théâtre national de Chaillot - du 15 au 18 octobre.

    Toussométrie : 3/5

    mercredi 14 octobre 2009

    Vie privée

    Pierre Laville, metteur en scène d'un Baby Doll chroniqué dans ces pages la saison dernière, creuse à nouveau le sillon yankee en adaptant une vielle comédie de moeurs américaine de Philip Barry, The Philadelphia story (ici Vie privée). Point de moiteur sudiste ici, ni d'ouvriers aux mains calleuses ; la tragédie de la jalousie de T. Williams se mue en un délicat chassé-croisé amoureux dans la haute société de la Côte Est. Au centre, une "déesse" qui voudrait descendre de son piédestal (Anne Brochet), idole ennuyée des mondanités W.A.S.P. ; autour d'elle, rien moins que trois prétendants : son fiancé, self-made man énergique un peu besogneux ; son ex-mari, alcoolique (presque) repenti, membre insouciant de la jet-set à la gaieté élégante ; et un journaliste prolétarien introduit presque par erreur dans cette société extraordinaire dont il veut peindre un portrait au vitriol mais qui refermera sur lui le piège de sa séduction.



    The Philadelphia Story, hit à Broadway, fut incarné à l'écran par Katharine Hepburn, Cary Grant et James Stewart. Sans démériter, le line up made in France 2009 laisse le spectateur rêver un peu trop du casting initial et souffre d'un jeu souvent à contre-temps (texte encore mal maîtrisé?). Peut-être peu à l'aise dans ce registre-là, Anne Brochet, au demeurant bien choisie pour sa parenté avec les grandes actrices de l'âge d'or d'Hollywood, endort plus d'une réplique par dédain pour le rythme propre à la comédie américaine des années 1930. En revanche, Julien Boisselier donne encore la preuve de son étincelant talent, alliant un abattage comique très efficace à une finesse d'interprétation hors norme. Ces quelques défaut de finition mis à part, Vie privée offre un moment plutôt agréable aux spectateurs sans toutefois conjurer le spectre de l'ennui qui rôde sur la mise en scène très sage de Pierre Laville.


    Vie privée, de Philip Barry - Mise en scène : Pierre Laville - Théâtre Antoine, depuis le 8 septembre - de17 à 48 euros.


    Toussométrie : moyenne (2/5).

    samedi 3 octobre 2009

    L'Art du Rire

    Dans le plus beau théâtre de Paris, un spectacle au titre terriblement ambitieux, "L'Art du Rire", tient ses promesses à merveille jusqu'au 3 octobre, jusqu'à ce soir 19h (et aussi à 15h30!). Urgence absolue donc à courir rire avec Jos Houben, auteur et comédien unique de ce court traité (1h) sur le rire, décomposition anthropologique de la rigolade - pourquoi et comment rit-on? - à base de bouffoneries subtiles et d'apostrophes au public. Jos Houben s'inscrit avec une aisance sidérante dans la lignée des mimes américains géniaux - Chaplin, Keaton, Lloyd - mais ne lui dîtes pas qu'il fait du théâtre corporel : "quel acteur vient sur une scène sans son corps?".


    L'Art du rire, de Jos Houben - Théâtre des Bouffes du Nord, jusqu'au 3 octobre - 1 h environ - de 12 à 26 euros la place environ.

    Toussométire : 0/5 (nulle).

    mercredi 23 septembre 2009

    Vers toi Terre promise (tragédie dentaire)

    Après le Partage de Midi, reprise d'un spectacle à succès de la Comédie-française, le théâtre Marigny semble s'être donné comme mission automnale de tendre un filet de sécurité aux spectacteurs distraits ou débordés. Cette fois, il nous est donné de (re)voir Vers toi Terre promise, tragédie dentaire de Jean-Claude Grumberg, déjà balladée sur plusieurs scènes de France et d'ailleurs, au théâtre voisin du Rond-Point notamment. M. Grumberg tire un délicat portrait des Spodek, couple "orphelin" de ses filles (l'une est morte à Auschwitz, l'autre ne veut plus sortir du couvent où il s'était réfugiée), pour illustrer une question presque sans réponse : comment continuer à vivre après la catastrophe? La pièce, composée de vignettes de la vie d'après-guerre, souvent drôles, est bien servi par une mise en scène simple et ingénieuse et des comédiens très subtils. Philippe Fretun surtout, qui interprète à la perfection un homme abattu, amer, rejettant la pitié ou même la sollicitude de ses patients ou de ses amis et dont la seule ressource face au malheur semble bien être l'ironie glacée.


    Quelques maladresses dans l'écriture - des passages ressemblant à un "didacticiel" de la Shoah à l'adresse d'un public inculte ou la lecture un peu édifiante de documents administratifs liés à la spoliation et à la restitution des biens juifs (dans la même veine, les Folies coloniales, montées au théâtre de la Villette il y a quelques mois, mettaient à jour beaucoup plus subtilement les mécanismes racistes de l'administration française) - n'entament pas le plaisir du spectateur face à la drôlerie du spectacle.


    Vers toi Terre promise (tragédie dentaire), de Jean-Claude Grumberg - Théâtre Marigny, jusqu'au 22 novembre 2009 - de 29 à 39 euros (promotion web jusqu'au 27 septembre) - 1h45 environ.


    Toussométrie : nulle (0/5).