Twitter Updates

    follow me on Twitter

    lundi 23 février 2009

    Le Cas Blanche Neige

    Le conte expliqué aux adultes

    Blanche Neige est un cas. Jeune et fraîche, elle n'a qu'une seule obsession et qu'une seule angoisse : être en mesure de séduire autant que sa belle-mère, la Reine, séduit les hommes. Mais la tâche n'est pas simple car, comme dans Gertrude (Le Cri) du même auteur, Howard Barker, monté à l'Odéon en janvier, cette mère d'âge mûr et de surcroît (prétendûment) stérile exerce une attraction irrésistible sur tous les hommes qui l'approchent.

    Frédéric Maragnani a choisi pour mettre en scène ce conte déviant un plateau très dépouillé ; en son centre, une sorte d'ascenceur dont les portes s'ouvrent parfois, sur la forêt, ou plutôt sur l'inconscient et la transgression des personnages : dans la forêt, la Reine s'ébat avec le garde-chasse et Blanche Neige se tape... les sept nains! Le choix des comédiens est intelligent et le travail des corps soigné. Le supplice final de la Reine, vraie fin du conte de Grimm, montre un art de la suggestion consommé de la part du metteur en scène et une grande force d'incarnation de la comédienne, Marie-Armelle Deguy : on est réellement saisi d'effroi lorsqu'elle commence à chausser ses escarpins chauffés à blanc.

    Image

    Dans l'émission déjà citée dans mon post du 17 février 2009, M. Maragnani expliquait la difficulté qu'il avait eu à trouver la mise en scène adaptée à ce tableau ; pour lui, Howard Barker n'écrit pas ses pièces en pensant à leur représentation. La solution qu'il a trouvée est belle, mais la danse jusqu'à épuisement de la Reine est éludée ; dans sa Blanche Neige, Angelin Preljocaj proposait lui une saisissante solution dansée. Ces deux traitements illustrent bien la divergence des approches de ce conte presque universel adoptées par ces deux spectacles.

    Alors qu'Howard Barker s'acharne à expliciter le sous-texte fantasmatique du conte, avec une certaine force dans le trait mais sans grande subtilité (et que le metteur en scène allège en tirant l'ensemble vers la farce), M. Preljocaj respecte la fonction initiale du conte ; celle d'exorciser les angoisses et les fantasmes du lecteur par le biais de "paravents" narratifs, de situations symboliques. Ainsi, malgré la réussite incontestable du très explicite Cas Blanche Neige, on préfère tout de même une Blanche Neige chorégraphiée qui laisse encore aux spectateurs leur part d'imagination et d'interprétation.

    Toussométrie : Calme (1/5).

    Le spectacle n'est plus à l'affiche à Paris.

    Commentaires :

    - la problématique de la pièce selon son metteur en scène : http://www.theatre-contemporain.net/spectacles/Le-Cas-Blanche-Neige-Comment-le-savoir-vient-aux-jeunes-filles/ensavoirplus/

    - http://www.ruedutheatre.info/article-27840253.html

    - http://culturofil.net/2009/02/13/le-cas-blanche-neige-de-howard-barker/

    - http://www.spectacles.fr/le-cas-blanche-neige/avis

    - http://www.laboiteasorties.com/2009/02/odeon-le-cas-blanche-neige-comment-le-savoir-vient-aux-jeunes-filles/

    - http://theatredublog.unblog.fr/2009/02/05/le-cas-blanche-neige/

    vendredi 20 février 2009

    L'air vicié du temps 2

    Quelques investigations complémentaires grâce à l'ami google viennent enrichir le répertoire de références sur la toussométrie au théâtre :

    - Clémence Hérout, qui blogge pour le théâtre de l'Athénée, élabore une typologie du tousseur des théâtres parisiens : l'intempestif, l'inopportun, le mondain... et l'innocent souffreteux. Ils ont chacun une bonne raison de tousser, dont celle de donner son opinion sur la pièce ou d'éviter de pleurer.

    http://blog.athenee-theatre.com/index.cfm/2008/12/17/Kof-kof

    Aussi, grosse controverse dans les commentaires sur l'opportunité ou non du bonbon au miel ou de la pastille mentholée pour enrayer la toux.

    - La désencyclopédie, détournement de wikipédia (ou "la source en pleine évolution d'informations utiles et fiables, écrite entièrement par des singes savants") , nous offre, dans un article globalement très instructif sur le théâtre en général et en particulier, une explication à la toux des spectateurs : c'est pour faire sentir aux comédiens que le public est bien là.

    http://desencyclopedie.wikia.com/wiki/Th%C3%A9%C3%A2tre#Le_public

    - Du blog de Flop, qui n'est plus très actif (en tout cas pour sa rubrique théâtre), un morceau de mémoire numérique échoue sur la plage de google. C'est fascinant puisqu'il nous parle d'un spectacle de danse de Sasha Waltz monté un 2006 où l'on faisait tousser le public exprès. Pourquoi? Lisez ici :

    http://www.favoritechoses.com/flop/2006/05/a_mare_basse.html

    Enfin, finissons cette revue provisoire par une nouvelle citation bien à propos : "Le talent d'un auteur consiste moins à faire applaudir ses pièces qu'à empêcher le public de tousser." C'est Marcel Achard qui l'a dit.

    mercredi 18 février 2009

    La Dispute

    Spectaculaire cruauté

    Peut-on reprocher au théâtre d'être trop théâtral? C'est ce que l'on aimerait s'autoriser à dire à l'écoute du prologue de La Dispute, de Marivaux, mis en scène par Muriel Mayette au Vieux-Colombier, succursale boisée de la Comédie-Française. Le Prince (Thierry Hancisse) et Hermiane (Marie-Sophie Ferdane) y posent les fondements de leur dispute (de l'homme ou de la femme, qui a trahi en premier?) de la plus irritante des manières : affectations inutiles et gesticulations stéréotypées (ah, les brusques mouvement de redingote...) rendent le texte opaque au spectateur.

    Bien heureusement, un coup d'éclat du Prince, qui retourne le décor en un claquement de mains, marque une rupture de ton. Le Prince découvre pour Hermiane l'expérimentation entamée dix-huit ans plus tôt par son père : quatre enfants, deux filles et deux garçons, ont été élevés, loin du monde et isolés les uns des autres par deux domestiques noirs. Désormais adultes, mais réellement sauvages et sans repères, ils sont présentés les uns aux autres sous le regard scrutateur du Prince et d'Hermiane logés dans une lucarne surélevée ; ils espèrent ainsi épuiser leur controverse grâce à cette expérience in vivo.

    Image

    Pantins démunis face à l'irruption de l'autre, manipulés par leurs domestiques/maîtres, les quatres jeunes gens seront les victimes de l'artifice du Prince, que la scénographie (d'Yves Bernard) rend à merveille : prisonniers d'un cocon de bois dans lequel on entre ou sort par des trappes tournantes et imprévisibles, ils aimeront sans conscience et souffriront sans comprendre. En vain, car nulle réponse ne viendra trancher la Dispute. Sacrifiés pour le divertissement de spectacteurs curieux de leur destruction, Eglé et Azor, Adine et Mesrin, peuvent contempler leur nombreuse descendance : Loft story et Ile de la tentation, dont les participants réclament aujourd'hui le statut de... comédiens.

    Toussométrie : Calme (1/5)

    La Dispute, de Marivaux - Mise en scène : Muriel Mayette - Comédie-Française / Vieux-Colombier - Jusqu'au 15 mars - 1h30 environ - 28 €.

    http://www.comedie-francaise.fr/dev/saison_spectacles.php?spid=123

    Autres opinions :

    http://www.lexpress.fr/culture/scene/theatre/la-dispute-au-theatre-du-vieux-colombier_739925.html : Christophe Barbier souligne la critique du mythe du "bon sauvage" mise en relief par Muriel Mayette.

    http://theatredublog.unblog.fr/2009/02/04/la-dispute/

    http://www.journal-laterrasse.com/la-dispute-1-3774.html

    Et Muriel Mayette dans l'émission de Laure Adler sur France Inter :

    http://www.radiofrance.fr/franceinter/em/studiotheatre/index.php?id=76532

    mardi 17 février 2009

    L'air vicié du temps

    Votre serviteur se félicite de l'incroyable flair qui lui a fait créer un blog dont le sujet agite déjà le milieu critique et les gens de l'art ; quelle remarquable immersion dans l'esprit du temps!

    Prenons-en pour preuve l'article paru dans Le Monde du mardi 17 février 2009, en page 20. On peut lire dans le compte-rendu (de Marie-Aude Roux) du récital donné par la soprano Nina Stemme à Strasbourg l'information suivante :

    "A Strasbourg, on ne badine pas avec la toux. Le récital de la soprano suédoise Nina Stemme a commencé par une annonce sans ambages, après l'habituelle objurgation appelant à museler les téléphones portables : "Nous vous prions également de bien vouloir maîtriser vos quintes de toux ou de quitter la salle si nécessaire en toute discrétion."

    Damned, miss Stemme! Voilà une tactique aussi finement ourlée que votre voix pour faire taire le toussomètre ; love it or leave it, la Suédoise ne chantera que dans un silence...religieux. Tout le monde ne peut pas se payer ce luxe de maîtresse de vieille école ; c'est ce que constate la comédienne Francine Berger, dans l'édition du 2 février dernier de l'émission "Comme au théâtre" sur France Culture (présentée par Joëlle Gayot), à propos de la pièce Gertrude (Le Cri) d'Howard Barker, donnée au théâtre de l'Odéon il y a quelques semaines (et dans laquelle elle joue un savoureux rôle de reine mère / vieille salope).

    http://www.radiofrance.fr/chaines/france-culture2/emissions/sur_scenes/fiche.php?diffusion_id=70436

    Image

    Interrogée sur la réception du texte compliqué et provocateur du dramatruge anglais par le public (ou plutôt "vous sentez quoi émaner du public? "), Francine nous dit : "Ils écoutent très bien...On a eu une seule représentation où les gens ont un peu toussé.

    - C'est la saison...

    - Oui mais vous savez, lorsque les gens sont captivés, ils ne toussent plus ; même si c'est la saison et même s'ils sont malades."

    Bon, Francine a peut-être un peu menti, à moins que le hasard veuille que l'on soit tombé ce soir-là mais qu'importe! Elle nous apporte là le premier théorème de notre quête, peut-être la pierre angulaire du vaste édifice de nos 100 jours.

    lundi 16 février 2009

    La Vénus à la fourrure

    Histoire d'une soumission

    Changement d'ambiance ; après la mélancolie fantasque du romantique Musset, nous nous sommes frottés à la mélancolie doloriste du post-romantique Sacher-Masoch, au théâtre de la Colline.

    "La Vénus à la fourrure", pièce centrale de l'oeuvre de l'auteur qui donnera son nom au masochisme, évoque la soumission de Séverin à la maîtresse qu'il conforme à ses désirs, Wanda von Dunajew. Elle dit sa liberté face aux convenances de son temps, il la veut cruelle et suprêment dominatrice. Le couple trouve un bref équilibre sensuel et signe un contrat par lequel Séverin s'engage à devenir l'esclave de Wanda ; ils fuient vers l'Italie où le couple se délite peu à peu.

    On le voit d'emblée, la pièce éprouve les limites de ce que le théâtre s'autorise à représenter ; de la passion, de la douleur et du plaisir, que nous donne à voir la mise en scène de Christine Letailleur? Du symbole voire de l'esquive, car de fouets et de fessée, nous ne verrons que des mimes. Un peu de nudité : les seins de Wanda, le sexe et les fesses de Séverin et enfin sa nudité entière, symbole de son humiliation finale. Et une chorégraphie étrange entre les deux amants, qui tantôt dessinent la spirale de leur désir autour d'un lustre qu'ils allument progressivement, tantôt se livrent à d'étranges processions mortifères en fond de plateau.

    Image

    Malgré ces efforts de sublimation peut-on dire, la pièce procure plutôt de la gêne que de la fascination (en témoigne une toussométrie impressionnante ce soir là), et provoque plus de ricanements que de soupirs. La mise en scène, qui bien que très dépouillée arrive tout de même à flirter avec le kitsch (le lustre très "D&CO", et la "sonate au clair de lune" en boucle), prend des risques inutiles et laisse souvent sombrer les comédiens dans le ridicule : Andrzej Deskur (Séverin), dont la diction (volontairement?) hachée conjure malheureusement sa dévotion au personnage, essuie les rires du public à chaque fois qu'il confie sa qualité de "supra-sensuel" ; quant à Dimitri Koundourakis, qui incarne pourtant "le Grec", Apollon contemporain polysexuel et dominateur, il délivre la prestation la plus involontairement comique du moment (mais cela vaut le coup d'être vu). Valérie Lang (Wanda), enfouie sous de multiples fourrures, tire son épingle du jeu.

    L'ensemble ne nous a donc pas convaincu ; reste la découverte d'un texte unique et l'hommage que l'on peut rendre à l'audace, même lorsqu'elle rate sa cible. Mais on peut aussi préférer réécouter une popsong parfaite justement intitulée "Venus in Furs", sur l'album sans titre du Velvet Underground et apprécier dans la poésie de Lou Reed l'héritage de Sacher-Masoch.

    Toussométrie : Forte à très forte (4/5)

    La Vénus à la Fourrure, de Leopold von Sacher-Masoch - Mise en scène : Christine Letailleur - Théâtre de la Colline (petite salle) - Jusqu'au 22 février - de 13 à 27 euros.

    http://www.colline.fr/spectacle/163

    Fantasio

    Carnaval mélancolique

    Pour preuve de sa bonne foi, l'auteur de ce blog entame sa quête sur un bonheur absolu et inespéré. En passant pour la première fois le seuil de la Comédie-Française (salle Richelieu, près du Palais Royal), pour aller assister à une pièce de Musset qu'on n'avait pas fréquentée depuis le lycée, on s'attendait à se trouver là dans une institution décrépite où l'on ne manquerait pas de mettre en morceaux l'humour et la vivacité de Fantasio. Le risque était grand d'autant qu'une forte odeur de Shalimar flottait sur les premiers rangs (où le miracle de la réservation sur internet nous avait amenés) et que la toussomètre enregistrait une forte activité au niveau des premières loges.

    Le prologue apporte un démenti immédiat à nos appréhensions : deux jeunes pensionnaires, dont nous avons appris les noms par coeur à l'issue de la représentation comme on le faisait des popstars à 15 ans, Clément Hervieu-Léger et Adrien Gamba-Gontard, nous arrachent nos premiers éclats de rire, lesquels émailleront le reste de la représentation. Car sur scène, on a là de considérables talents comiques : Melle Claude Mathieu en gouvernante complice et lacrymale et Guillaume Gallienne qui campe, avec une remarquable absence de vanité, un prince de Mantoue au ridicule abyssal. On croise d'ailleurs ce garçon sur Canal + (Le Grand Journal), dans de courts sketches satirisant le monde du cinéma, de simples amuse-gueules en comparaison de sa prestation ici.

    Image

    La mise en scène est à l'image de son dispositif principal, un manège placé au milieu du plateau, virevoltante et joyeuse, et libre : s'emparant du thème du travestissement traité par Musset, c'est une femme (Cécile Brune) que le metteur en scène a choisie pour incarner Fantasio, jeune bourgeois de Munich qui, pour échapper à ses créanciers, prend l'aspect du favori disparu de la princesse (Florence Viala), un bouffon. Mais la mise en scène sait parfois suspendre le rythme - les personnages se figent presque tandis que le manège tournoie frénétiquement en une spirale stérile - et laisse le temps aux spectateurs de goûter la mélancolie profonde du texte de Musset. L'émotion vient alors brusquement se lover dans votre gorge, quand la princesse au coeur brisé n'a plus qu'un film burlesque muet pour invoquer le souvenir de son amour disparu. Notons au passage que le responsable de ce délicieux anachronisme cinéphile et de la mise en scène en général, c'est Denis Podalydès qui, au cinéma, et souvent avec son frère Bruno, est un des meilleurs représentants de la comédie d'auteur, délicate et hilarante, comme en témoigne par exemple la version "interminable" de "Dieu seul me voit" (1998) récemment éditée sous le titre de "Versailles-Chantiers" (l'intégrale des aventures d'Albert Jeanjean).

    Pitch : La jeune princesse Elsbeth est promise au prince de Mantoue pour sceller l'alliance entre leurs deux peuples. Tandis que le prince, qui doit être présenté à la jeune fille, choisit de prendre l'aspect de son aide de camp pour se faire aimer d'elle vraiment, Fantasio, un jeune bourgeois fantasque prend l'aspect de Saint-Jean, bouffon de la cour et favori de la princesse récemment disparu, pour échapper à ses créanciers...

    Toussomètrie : Calme (1/5).

    Fantasio, d'Alfred de Musset - Mise en scène : Denis Podalydès - Comédie-Française, Salle Richelieu - 1h50 (sans entracte) - Jusqu'au 15 mars 2009 - de 11 à 37 €.

    http://www.comedie-francaise.fr/dev/saison_spectacles.php?spid=107

    Autres opinions :

    http://www.agoravox.fr/article.php3?id_article=45694

    http://theatre-danse.fluctuat.net/blog/33297-fantasio-a-l-aise-a-la-comedie-francaise.html

    http://www.lefigaro.fr/theatre/2008/09/26/03003-20080926ARTFIG00396-fantasio-ou-musset-et-ses-doubles-.php

    http://www.webthea.com/actualites/?Fantasio-d-Alfred-de-Musset,1645

    http://theatredublog.unblog.fr/2008/09/25/fantasio-dalfred-de-musset-mise-en-scene-de-denis-podalydespar-philippe-du-vignal/

    Vade mecum

    Ce blog est le récit d'une quête entamée à la faveur de la nouvelle année (2009). Elle vise à donner une réponse définitive et sans appel à une interrogation fondamentale : "les gens attendent-ils de tousser pour aller au spectacle ou les spectacles font-ils tousser?"(P. Daninos) et à la question subsidiaire : "le théâtre est-il devenu un art insupportable aux contemporains?"

    Pour répondre à ces questions, l'auteur du blog se donne 100 jours (l'affaire finira donc mal), se fonde sur une méthode essentiellement empirique : aller au spectacle (théâtre, danse, opéra) -- à Paris -- et utilisera un instrument de mesure unique en son genre : un toussomètre.

    Image


    2009-02-16